Les origines (XIe siècle)
Un site millénaire aux confins de l'Auvergne
Sur les Monts du Forez, mais en terre d'Auvergne, perdu dans les bois, s'élève un donjon isolé qui présente encore noble prestance...
Le château de La Roue occupe un site exceptionnel, perché sur un éperon rocheux dominant la vallée de l'Ance. Cette position stratégique, aux confins de l'Auvergne et du Forez, en fait depuis des siècles un lieu de pouvoir et de surveillance.
Les origines mystérieuses : le culte de Belem
Bien avant l'édification du château médiéval, ce haut lieu était déjà chargé de sacré. Selon les historiens Dechelette et Galdoz, les druides y enseignaient le culte mythologique gaulois du dieu soleil "Belem", avec le symbolisme de la roue solaire.
Ce culte se pratiquait sur les points les plus élevés des Monts du Forez, dès le lever du soleil, chaque année lors du solstice d'été - devenu plus tard la fête chrétienne de la Saint-Jean. Cette origine explique le nom même du lieu : "La Roue", symbole solaire et cosmique des anciens Celtes.
Pierre Guillaume, premier seigneur connu / Un familier du comte du Forez.
L'histoire documentée du château commence vers 1096 avec Pierre Guillaume, premier seigneur connu de La Roue. Personnage fascinant, il incarne parfaitement l'esprit chevaleresque de son époque.
Pierre Guillaume était d'abord un familier, puis un proche du comte du Forez. Cette proximité avec le pouvoir comtal témoigne de l'importance déjà reconnue du site de La Roue dans l'organisation défensive de la région.
Le croisé de Terre Sainte
En 1096, Pierre Guillaume répond à l'appel du pape Urbain II et part en croisade avec le comte du Forez. Cette participation à la première croisade marque sa foi profonde et son engagement au service de la chrétienté.
Son courage et ses talents lui valent une promotion exceptionnelle : en 1126, il devient chancelier d'Ascalon, l'une des plus hautes fonctions administratives des États latins d'Orient. Cette charge prestigieuse témoigne de ses compétences diplomatiques et intellectuelles.
Le bâtisseur visionnaire
À son retour de Terre Sainte, Pierre Guillaume enrichi d'expérience et de prestige, entreprend la construction du château féodal de La Roue. Il ajoute à son titre de seigneur de La Roue celui de vicomte de Montpeloux, étendant ainsi son influence sur toute la haute vallée de l'Ance.
La construction du château fort / Un édifice de prestige
Une inscription gravée dans la pierre au-dessus de l'entrée de la tour, en latin vulgaire, indique que l'édifice fut construit "au moment de la disparition totale de l'empire romain en l'an 1120". Cette date, quelque peu approximative, situe le début de la construction du château féodal dès l'aube du XIIe siècle.
Le comte de Neufbourg, historien de "La Diana" de Montbrison, soulignait en 1953 : "Ce château anciennement très important n'est pas un château de village, mais de prestige contre l'Auvergne."
L'architecture défensive
Le château de La Roue fut conçu comme une forteresse à triple enceinte côté ouest, adaptation remarquable au relief rocheux naturel. Cette architecture sophisticated témoigne de l'influence des techniques de fortification rapportées de Terre Sainte par les croisés.
L'emplacement choisi révèle un sens stratégique aigu : dominant la vallée, le château contrôle les voies de communication entre l'Auvergne et le Forez, surveillant ce qui deviendra plus tard la frontière entre le royaume de France et le Saint Empire romain germanique.
Un site de frontière / Les limes fluctuantes
Dès sa création, La Roue s'inscrit dans un système défensif plus large. Le château prend place dans cette ceinture de fortifications qui entoure le comté du Forez : Chalençon, Montarcher, Ussou-en-Forez, Viverols, Beaufranche, La Chaulme, Montpeloux, le Chalard, La Roue, Montsupt, Écotay, Saint-Georges-en-Couzan, Chalmazel, Saint-German-Laval.
Ces "limes" ou "limites fluctuantes" témoignent de l'importance géopolitique de la région, zone de contact et parfois de conflit entre grandes puissances médiévales.
Le choix stratégique
Pierre Guillaume, fort de son expérience orientale, comprend parfaitement l'enjeu de cette position. En édifiant son château sur ce site, il ne crée pas seulement une résidence seigneuriale, mais un poste avancé de surveillance et de contrôle au service de ses suzerains foréziens.
L'héritage d'un fondateur
Pierre Guillaume lègue à ses successeurs bien plus qu'un château : il leur transmet une vision politique et une ambition territoriale. Son œuvre architecturale et son prestige personnel posent les bases de ce qui deviendra l'une des plus importantes seigneuries des Monts du Forez.
La devise qu'il choisit pour sa lignée - "Encore un tour de roue et tout pousse à la Roue" - révèle à la fois son attachement au symbolisme solaire du lieu et sa confiance en l'avenir de sa maison.
Ainsi naît, au commencement du XIIe siècle, l'épopée des seigneurs de La Roue, sur les traces d'un croisé visionnaire qui sut transformer un antique lieu de culte en forteresse de prestige.
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